
Le film Séraphine, qui a raflé 7 Césars en 2009, pourrait poursuivre sa carrière au tribunal, un historien accusant le producteur et le scénariste d’avoir plagié un de ses ouvrages.
Séraphine, incarnée à l’écran par Yolande Moreau, a beau avoir fait l’unanimité des spectateurs, avec 800.000 entrées, Alain Vircondelet, lui, boude ce succès qu’il juge immérité.
Docteur en histoire de l’art, cet universitaire est un spécialiste reconnu de Séraphine Louis, née en 1864 dans l’Oise et morte en 1942 dans un hôpital psychiatrique.
Il a soutenu en 1984 une thèse de doctorat sur cette domestique un peu illuminée devenue peintre autodidacte, et découverte par le critique et marchand d’art allemand Wilhelm Uhde.
«Oublié, le personnage refait surface»
Deux ans plus tard, il a publié, aux Editions Albin Michel, une biographie intitulée Séraphine de Senlis, un ouvrage qui, selon son avocat, Me Christophe Bigot, «révélait pour la première fois la vie publique et secrète de Séraphine de Senlis». C’est grâce à ce livre que «ce personnage oublié du grand public a refait surface», soutient Me Bigot dans l’assignation qu’il a adressée au tribunal de grande instance de Paris.
Or cette biographie contient, «outre quelques éléments d’information bien réels, déjà établis par les premiers commentateurs de Séraphine, ceux inédits, recueillis par l’auteur, et enfin des scènes romancées, inventées par l’auteur pour donner corps à l’interprétation de Séraphine, personnage hautement énigmatique».
L’historien et son éditeur, qui poursuivent le producteur TS Productions et le scénariste Martin Provost, estiment que de nombreux passages du long-métrage, couronné notamment par les Césars du meilleur film, de la meilleure actrice et du meilleur scénario, «sont la reproduction servile» de passages publiés en 1986.
Du côté de TS Productions, on s’indigne d’une telle attaque. «Nous contestons expressément l’existence d’une contrefaçon», a réagi leur avocat, Me Yves Henri Nédélec, arguant que les passages litigieux trouvent leur origine «dans des ouvrages antérieurs», notamment ceux de Jean-Pierre Foucher (1968) et Wilhelm Uhde (1949), le pygmalion de Séraphine.
Les auteurs du film avancent également comme source Françoise Cloarec qui a soutenu en 1984, soit la même année que Vircondelet, une thèse sur Séraphine, mais sur le terrain de la psychopathologie clinique.
«Evincés du succès du film»
Certaines phrases, présentes à l’identique dans le livre de Vircondelet et dans le scénario de Martin Provost, laisseraient pourtant songeur. Ainsi de ce moment où Séraphine parle de son processus créatif d’essence divine: «C’est comme vous diriez du miel, des liqueurs chaudes.»
«Il y a quelques phrases regrettables», concède Me Nédélec, «mais ce n’est pas une contrefaçon de l’œuvre, car le traitement n’a rien à voir», assure-t-il. Selon lui, le film s’intéresse «à la relation de l’artiste avec le collectionneur, et à l’homosexualité de Uhde», ce qui n’est pas la préoccupation majeure d’Alain Vircondelet dans son ouvrage.
Regrettant d’avoir été «totalement évincés du succès de ce film, alors même que le scénario reproduit à de nombreuses reprises des parties de l’ouvrage dont ils détiennent les droits», l’écrivain et les éditions Albin Michel réclament 600.000 euros de dommages et intérêts. Ils s’aventurent même à demander que l’exploitation du film soit interdite tant en France qu’à l’étranger. L’affaire pourrait être tranchée d’ici un à deux ans. Source : AFP
Bande-annonce Seraphine
Crédit photo : Reuters
